mardi 20 juin 2017

S’ouvrent alors les vannes du plaisir...



(C) Françoise Renaud


Pour bricoler, il n'était pas à son affaire mais il aimait bien y mettre son grain de sel quand quelqu'un d'autre s’y collait. Dans ces moments-là, nous le surnommions « la mouche du coche ».
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Mais le jardin, là c'était autre chose. Ne sait si on doit parler de passion ou de lien à la terre. Lui qui, jusqu’à son retour du service militaire, s’était occupé à divers travaux agricoles, descendait chaque jour dans les entrailles de la terre -il était mineur de fond. Il consacrait son temps libre aux jardins potagers agrémentés de quelques fruits et fleurs.
Dans mon souvenir, il en a toujours fait au moins deux et là il ne me viendrait pas à l’idée de remplacer faire par un autre verbe comme l’on nous y incitait dans les exercices scolaires. Faire le jardin, c’est tout à la fois l’agencer et en prendre soin.
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Les outils n’étaient pas aussi bien rangés qu’ils le sont là. Leur place était contre la paroi du garage et ils étaient chargés sur la brouette ou dans le coffre de la voiture en fonction des travaux qu’il projetait.
Des verbes fusent : biner, désherber, bêcher, piocher, ratisser, sarcler, planter, fumer, repiquer, labourer, faucher… presque tous corrélés à des outils que je serais incapable de reconnaître.
La pelote, la grosse ficelle qu’on déroule, on la tend entre les deux piquets pour que le rang soit droit ; un jeu d’enfant auquel nous affectionnions de nous prêter. Suivre le fil avec la pioche, creuser un léger sillon pour accueillir les graines. Les recouvrir, arroser légèrement, voir naître une rivière dérisoire dans la terre sèche.
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Deux verbes nous faisaient prendre la poudre d’escampette : cueillir et ramasser. Les cornichons d’abord, il les récoltait aux aurores afin qu’ils ne forcissent pas sous la chaleur du soleil -c’est vrai que chez nous les cornichons nous les adorons quand ils sont petits. Il fallait les brosser avant de les immerger dans la marinade que nous préparions avec ma mère.
Le pire, notre cauchemar d’enfants : les haricots verts que nous devions équeuter et effiler. Par bonheur, il les plantaient habituellement dans le jardin de mon oncle qui vivait avec mes grands-parents. Ils étaient toujours prêts, en le voyant passer avec les seaux remplis de ces maudits légumes, à nous délivrer de cette corvée.
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Mon frère, à qui il a transmis cette inclination, a pris le relais. Il m’arrive de me régaler de ses exquises productions légumières. S’ouvrent alors les vannes du plaisir des mots, des gestes et des goûts retrouvés.

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Ce texte a été publié pour la première fois sur « Terrain fragile », le blog de Françoise Renaud, dans le cadre des Vases Communicants d'août 2016.








1 commentaire:

  1. J'ai toujours l'image de ton père assis derrière la maison, un torchon sur les genoux et nettoyant patiemment les cornichons.

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